Ci-dessous une précédente version de cet article. Nous n’avons pas repris son argument, car celui-ci ne semblait pas suffisamment tenir compte de la nature sacerdotal du Christ : “C’est dans sa chair que le Christ a exercé son sacerdoce. Non pas d’abord en tant que fils de Dieu, mais en tant qu’homme divinisé”. L’argument était dès lors trop “scénique” et pas assez “sacerdotal”. Nous le laissons néanmoins ci-dessous en espérant qu’il puisse éclairer certains points.
Ce qu’est un prêtre
Dans l’Église catholique, le prêtre est celui qui assume un rôle liturgique : celui de représenter Jésus de manière corporelle. Pour montrer que Jésus dirige la prière de l’Église, on va demande à un homme de représenter Jésus. Et on dira qu’il représente corporellement Jésus, qu’il parle en son nom. De même, pour montrer que c’est Jésus qui pardonne les péchés, on demande à un homme de représenter Jésus. Et on dira qu’il représente corporellement Jésus et qu’il pardonne les péchés en son nom. De même à la messe, et cætera.
Le premier (et probablement l’unique) rôle d’un prêtre catholique est donc de représenter corporellement Jésus. Il y a plusieurs manières de représenter Jésus : par l’art, par la liturgie, par les charismes, par la sainteté. La liturgie est une manière de représenter Jésus parmi d’autres : ce n’est probablement pas la manière ultime de le représenter (cela revient à la sainteté), ni même la plus belle (cela revient à l’art), mais probablement la manière la plus efficace et pédagogique.

- Le prêtre, icône vivante de Jésus grand prêtre.
- (ici des prêtres orthodoxes)
Ainsi donc, un prêtre est un acteur liturgique à qui on demande de jouer un certain rôle au cours des célébrations : celui de Jésus. Il peut sembler bizarre de comparer un prêtre à une sorte d’acteur de cinéma, mais de façon évidente un prêtre est « aussi » cela. Notons toutefois, que, à la différence d’un rôle de cinéma, le rôle liturgique qu’un prêtre est appelé à « jouer » est un acte sacré dans lequel Jésus est authentiquement présent, lui qui est ressuscité et qui a répandu son Esprit dans l’âme des chrétiens. On dit que le prêtre agit « in persona Christi ».
On parle en langage théologique de « caractère » plutôt que de « rôle » :
Le caractère indélébile [de l’ordination]. Ce sacrement configure au Christ par une grâce spéciale de l’Esprit Saint, en vue de servir d’instrument du Christ pour son Église. Par l’ordination l’on est habilité à agir comme représentant du Christ, Tête de l’Église, dans sa triple fonction de prêtre, prophète et roi.
Catéchisme de l’Église Catholique 1581
Au total, les sacrements sont des icônes vivantes de Jésus et, à l’intérieur de ces icônes vivantes que sont les sacrements, c’est au prêtre que l’Église confie le soin d’assumer de façon matérielle le rôle du Christ. Ou encore : il lui revient d’assumer la matérialisation de Jésus aux cours de ces icônes vivantes que sont les sacrements. Ainsi, ce que l’on demande à un prêtre, c’est de représenter corporellement Jésus. Et c’est tout ce qu’on lui demande : si l’on comprend ceci, on comprend beaucoup de positions catholiques concernant le prêtre (l’impossibilité pour une femme de devenir prêtre, la possibilité pour un pécheur d’être tout de même prêtre, etc).

- Crèche vivante
Une femme prêtre ?
Si le rôle d’un prêtre est de représenter matériellement Jésus à la manière d’un acteur, on ne saurait demander à une femme de devenir prêtre. De même qu’on ne saurait confier à un bébé fille le soin de jouer le rôle de Jésus bébé dans une crèche vivante, on ne saurait demander à une femme d’assumer la matérialisation de Jésus dans ces icônes vivantes que sont les sacrements. Il en va de la vérité des signes et des images.
Cet argument peut sembler relativement faible, mais qui a compris ce qu’était un sacrement lui donnera tout son poids. Celui qui va à la messe pour revivre avec Jésus son dernier repas accordera de l’importance aux détails de la scène liturgique. De son point de vue, il convient que les signes et les symboles sont le plus transparents possibles : le pain utilisé doit être semblable au pain utilisé par Jésus, de même que le vin et que le corps de celui qui les consacre.

- Femme maquillée en Jésus
- icône ou déguisement ?
Inversement, celui qui ne va pas à la messe pour contempler Jésus accordera de l’importance à d’autres détails : la question du pouvoir du prêtre, de la parité homme/femme, etc. Ceux-là confondent liturgie et questions personnelles : de même que l’on ne va pas au cinéma pour le transformer en arène politique, de même la scène liturgique n’est pas un lieu de revendications mais un lieu de commémoration. Les revendications peuvent être justifiées, mais il y a un temps et un lieu pour chaque chose. Refuser aux femmes le droit d’être prêtre est une question de bon sens iconographique et scénique, non une question de politique.
Pourquoi le débat ?
Penser l’Église comme misogyne, c’est oublier que la plus grande dévotion catholique est dirigée vers une femme (Marie) et c’est oublier que l’Église catholique n’est pas un lieu de pouvoir mais de service. Parfois, il est vrai, l’Église est misogyne et est un lieu de pouvoir mais elle n’y parvient qu’en s’éloignant de son idéal fondateur qu’est l’Évangile. Il convient dans de telles circonstances, non pas de donner changer le rôle du prêtre, mais de rappeler une saine conception de la prêtrise et à ceux qui ont des attitudes misogynes et à ceux qui pensent leur ministère en termes de pouvoir non seulement qu’ils se trompent gravement mais aussi qu’ils offensent Dieu.

- Femme prêtre anglicane
- Pour les anglicans, un prêtre n’est pas une icône de Jésus.
Il est entendu que, dans l’Église, hommes et femmes ont la même dignité et la même vocation, que hommes et femmes peuvent imiter Jésus à travers l’état de vie religieux, que hommes et femmes peuvent accéder à la sainteté (et la sainteté est le but de la liturgie et non l’inverse), que hommes et femmes ont le droit de participer au gouvernement de l’Église.
Si la question de la femme prêtre prend autant d’importance, c’est probablement à cause de ce dernier point : alors même que l’on affirme que le gouvernement de l’Église est ouvert aux femmes, on peine aujourd’hui à leur trouver une place concrète dans les instances dirigeantes. Toutefois ce qui est en cause n’est pas la prêtrise réservée aux hommes, mais l’effondrement de la vie religieuse féminine. Traditionnellement, il y avait deux à trois fois plus de religieuses que de religieux et il existait à travers elles une sorte de clergé féminin. Ce clergé féminin était en poste de direction d’hôpitaux, d’écoles, de monastères et se voyait confier de nombreuses responsabilités pastorales. Le nombre de religieuses (et de religieux) s’est dramatiquement effondré au cours du XXe siècle, d’où l’impression d’une éviction des femmes des instances dirigeantes. Avec la constitution récente d’un laïcat dirigeant, cette impression n’est pas tout à fait justifiée, mais il n’en demeure pas moins un inquiétant rétrécissement - faute de troupes - des instances dirigeantes autour des prêtres et des évêques.
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